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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/54

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elle regretta fort de ne point pouvoir leur envoyer l’argent nécessaire. Mais elle n’insista pas : Jean endormit son chagrin par la promesse de les envoyer, elle et les petits passer quinze jours à Peyras, au printemps prochain.

— Vois-tu, — lui dit-il, pour répondre à l’éternelle objection du manque d’argent, — ce sera un moyen d’économiser. Le voyage payé, vous n’aurez rien à dépenser, là-bas… Et moi, je m’arrangerai tout seul ici pour vivre de peu… Tu iras donc sûrement.

Le baptême se célébra simplement. M. et Mme Rastel acceptèrent d’être les parrain et marraine d’une bessonne. L’autre dut se contenter d’un voisin obligeant et de Mlle Bonniol.

Une bouteille de vin blanc et quelques gâteaux secs parèrent à la dépense. Le maire et sa femme offrirent à leur filleule un hochet d’ivoire, aux grelots d’argent — une inutilité. Mlle Bonniol donna, elle, une brassière en laine qu’elle avait confectionnée elle-même ; le voisin, un paysan, trouva que c’était bien assez d’avoir payé le cierge du baptême, pour se dispenser de tout cadeau, et ne donna rien.

Dans le village, on déclara, après la cérémonie, que l’instituteur, pour être un monsieur, « ne faisait guère bien les choses » : ni fête, ni dîner, une simple collation, et encore ! c’était maigre ! Et on se moqua, entre soi, de la gêne de ce fonctionnaire en redingote, de cet étranger.

Quinze jours plus tard, Coste reçut une seconde lettre : elle était de sa mère, veuve depuis deux ans et qui vivait seule dans son village. Par la main d’un voisin complaisant, elle lui annonçait que, devenue aveugle tout d’un coup, elle n’avait désormais qu’à compter sur le fils, pour lequel, elle et son mari, avaient « mangé tout leur saint-frusquin ». Depuis la mort de son homme, tué par le chagrin de voir ses quatre coins de vigne ruinés par le phylloxéra, puis vendus pour payer leurs dettes, elle avait besogné tant qu’elle avait