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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/64

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scène ; mais, malgré tout, un faible espoir d’attendrir sa mère lui restait.

— Non, mère, je ne vous mens pas… Vous pourrez vous informer auprès des fournisseurs et ils vous diront ce que je leur dois…

— Oui, après t’être entendu avec eux pour me dépouiller, brigand.

— Mère, je vous en prie, — supplia-t-il avec des larmes dans la voix ; — je suis si malheureux et si vous y voyiez…

— Si j’y voyais ! je ne t’embêterais pas longtemps, va ! Je m’en irais chez nous, gagner ma vie, ingrat… Ah ! je sais que ta femme ne m’aime pas… je le sens bien que je lui suis à charge, depuis mon arrivée… Pourvu qu’elle s’attife, se dorlote, fasse sa mijaurée, elle se soucie peu de ta pauvre mère qui est assez malheureuse de ne plus y voir sans être ainsi tourmentée…

Ce haineux parti-pris contre sa femme faillit faire perdre à Jean patience et respect ; il se contint et, très humble :

— Mère, vous êtes injuste… Louise est malade et ne dépense rien pour sa toilette… J’ai quatre enfants ; le malheur nous en veut et si nous sommes gênés…

— Si tu es gêné, est-ce ma faute ? — interrompit durement l’aveugle. — Tu as quatre enfants ? puisque tu les as faits, nourris-les maintenant ; ils n’ont pas demandé à venir, eux… Et puis, et puis tu cherches à me gourer… Si ce que tu dis est vrai, tant pis pour toi… tu l’as voulu… Tu aurais dû nous écouter, ton pauvre père et moi… Au lieu de ta sansle-sou, tu aurais épousé Léocadie, une fille bellasse et qui t’apportait du bien liquide et des écus… Ça t’aurait permis de nous soulager et d’empêcher qu’on vende nos vignes, comme à des flibustiers…Oui, tant pis pour toi… je te répète que je n’ai pas d’argent. Jean écoutait sans colère, comme hébété. Une lassitude immense l’accablait. Cette rancune persistante qu’il croyait