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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/71

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ne semblait vivre que par l’éclat anormal de son regard, si brillant de fièvre, dans la matité spectrale de son visage maigre, pas plus gros que le poing, sous la masse de la chevelure en désordre. À la suite de plusieurs malaises et syncopes, Coste dut faire appeler le médecin d’un village voisin. Le médecin diagnostiqua une grande faiblesse, ne présentant aucun danger immédiat, mais nécessitant beaucoup de soins, une nourriture choisie, tant les forces de la jeune femme étaient épuisées par son accouchement. Même, au cours d’une visite, comme Louise se plaignait de fréquents étouffements, il conseilla d’amener la malade à un docteur célèbre de Montclapiers, pour le consulter sur ces palpitations de cœur très douloureuses.

Jean se désespérait ; trop soucieux de céler à sa femme ses préoccupations constantes, il affectait de ne lui en parler jamais ; il n’avait personne à qui s’épancher et vivait seul à seul avec ses mortels soucis d’argent. D’ailleurs Louise, malade et partant égoïste, ne l’interrogeait plus guère et se reprenait dans son isolement à regretter et Peyras et ses parents.

D’un autre côté, Caussette, tout en continuant de se lamenter sur la perte de ses yeux, boudait son fils et encore plus sa belle-fille qu’elle s’obstinait à ne pas croire malade. Depuis la scène de la nuit, elle s’imaginait que Jean et Louise étaient de connivence pour la dépouiller et ne parlaient parfois de leur misère que pour mieux la tromper. À part soi, elle bougonnait contre Louise, qu’elle se représentait comme la seule cause de sa ruine passée et de ses craintes présentes.

— Ah ! la feignante ! — grognait-elle, toujours haineuse. — Avoir le courage de laisser son homme lui laver sa vaisselle ! C’est douillet, ça… oui, pour fainéanter dans son lit, se faire servir de bonnes tranches, des côtelettes, du filet, des cervelles, pendant que nous mangeons, nous, des haricots