Aller au contenu

Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gnements étaient bons, le prêt serait consenti volontiers, auquel cas, en outre, on rembourserait au débiteur les dix francs avancés par lui.

Jean sauta de joie et courut prévenir Louise. Il remit au facteur, le matin même, dix francs pour un mandat-poste. Cette somme, c’était à peu près tout ce qu’il possédait en ce moment.

— Vois-tu, — dit-il à Louise, — rien d’étonnant à cela. Il faut bien que ce banquier s’assure de mon identité. Je trouve excellentes ces précautions… Sans cela, les escrocs, sous un nom d’emprunt, auraient beau jeu avec ces maisons-là.

Jean, sûr de l’avenir, changea d’attitude. Il sortit plus souvent, la tête haute, des fiertés dans les yeux. Les regards de ses créanciers ne le gênaient plus.

— Attendez, mes bonshommes, quelques jours, — murmurait-il joyeusement, — et on vous paiera recta désormais… et on saura vous mettre à votre place. Si grande même était sa confiance, qu’il promit de vive voix à l’un des fournisseurs de le désintéresser sous peu et lui ordonna, par conséquent, d’envoyer au plutôt la note.

— J’attends de l’argent ! — conclut-il fièrement et avec une pointe de dédain pour l’homme.

Du coup, le boutiquier devint très obséquieux. Jean eut une minute de joie énorme : dans la rue, il s’arrêta à causer avec l’un et l’autre, trouvant les gens charmants, la vie adorable, le ciel d’une pureté douce au regard, les arbres, qui verdoyaient, d’une beauté fine et attendrissante. En entrant dans la maison, il embrassa Louise, il embrassa Rose et Paul, il embrassa les bessonnes, il embrassa, sur les deux joues, sa vieille mère, laquelle se montra étonnée de cette soudaine accolade et de la joie extraordinaire de Jean. Quant à lui, descendu maintenant dans sa classe, vide d’élèves à cette heure, il y chantait à tue-tête comme un cantique de délivrance.