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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/9

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JEAN COSTE

plusieurs jours et qu’on ne se presse guère… Il est temps cependant qu’on sache à quoi s’en tenir…

— Bah ! — s’écria le troisième adjoint, d’un ton frondeur, — je sais, moi, de quoi il retourne. J’ai reçu, ce matin, une lettre d’un de mes camarades, notre collègue au chef-lieu… Eh bien ! paraît qu’il y a de la tire, cette fois. Le directeur de Meilhan prend sa retraite et le poste est très couru à cause des avantages qui y sont attachés… Comme de juste, chaque homme politique de la région a son protégé et veut mordicus qu’il soit préféré. Le député de l’arrondissement et le conseiller général du canton, chacun de son côté, ont le leur et se démènent à qui mieux mieux… Courses, démarches, recommandations n’en finissent plus… Et c’est l’inspecteur d’académie, qui, dans l’occurrence, se trouve rudement embêté pour faire ses propositions au préfet !… Contenter tous ces gens-là, c’est difficile ! On ne sait qui l’emportera, à moins qu’un troisième larron… De là le retard.

— Oh ! ça ne m’étonne guère ! — s’écria Coste. — Ce n’est plus du mérite, c’est du piston qu’il faut aujourd’hui… Aussi que d’intrigants chez nous avec de pareilles mœurs ! C’en est dégoûtant… Mais pourquoi s’obstine-t-on à nous faire nommer par le préfet, et à nous tenir par lui à la merci de certains politiciens de pacotille ?… Une vraie course au clocher que ces bons postes… Je sais bien que ce n’est pas toujours la faute de nos chefs et, tout franc, je ne voudrais pas être parfois à leur place.

— Baste ! ce qu’ils s’en fichent, au fond, nos chefs !… Ils pensent à eux, avant tout, et cherchent à plaire… Je ne vous croyais pas ces illusions-là… Mais suffit. Mon camarade ajoutait qu’en cette conjoncture l’inspecteur d’académie, excédé par toutes ces sollicitations plutôt impératives, était bel et bien décidé à prier le titulaire de garder encore son poste. Ce serait un an de gagné et d’ici là le roi, l’âne ou moi, nous mourrons, comme dit le charlatan de La Fontaine… Mais,