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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/93

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Coste en est gêné. Grâce à ses rafistolages de la veille, il croyait passer inaperçu. Mais en voyant certains de ses collègues si cossus et qui fixent par curiosité les yeux sur lui, il perd son assurance.

Mlle Bonniol le présente ; on l’accueille cordialement ; cependant son trouble augmente. On va sûrement remarquer ses vêtements minables. Les pieds joints, il s’attache à dissimuler le bas de son pantalon, qui s’effiloche aux chevilles. Puis, il s’aperçoit que les détails de leur mise n’indiquent pas l’aisance chez quelques-uns de ses collègues. Certes, même ceux-là lui paraissent moins misérables d’aspect qu’il ne l’est lui-même. Il se complaît, une fois l’attention détournée de lui, à rechercher les marques visibles de leur pauvreté, à relever les traces d’usure, les tares des vêtements désuets, des chaussures longtemps portées et, à les examiner ainsi, il éprouve une vague joie, il retrouve un peu d’assurance. Il voudrait les savoir tous aussi dénués que lui. Au cours de ses investigations, ses yeux s’arrêtent sur les bottines éculées d’un stagiaire. Celui-ci parait d’ailleurs n’en avoir cure. Petit, pâle, assez joli garçon, l’air et la voix d’un gavroche, il pérore dans les groupes. Il est instituteur-adjoint à l’école du canton et répond au nom de Bertrand.

Comme de juste, on parle de la modicité des traitements. Tous et toutes se plaignent amèrement.

— Le bon billet que leur loi de 1889 ! — dit un instituteur, des mieux vêtus cependant. — On nous a fichus dans le sac. Il faut une éternité pour avoir une promotion de deux cents francs. On ne met plus les vieux à la retraite ou rarement, et les jeunes piétinent sur place. Je vais avoir douze ans de services et je gagne mille francs. Pendant un certain temps, on a jeté l’argent à pleines poignées, il est vrai, pour de belles constructions scolaires. Certes, nos aînés en ont profité un peu. J’en connais qui ont eu leur