Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/130

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l’amour païen, fait de voluptés et de jouissances, qu’il oppose à la pure et respectueuse extase célébrée par les autres chevaliers. La discussion s’envenime, les épées sortent de leurs fourreaux ; le Landgrave fait de nobles efforts pour apaiser le tumulte ; Wolfram appelle l’assistance du Ciel pour faire triompher la vertu par son chant, mais Tannhauser, au comble de l’exaltation et de la démence, évoque le souvenir des jouissances passées, de la déesse qui les lui a fait connaître, et engage les mortels ignorants de ces ardeurs brûlantes à se rendre au Venusberg, où elles leur seront révélées !

Un cri dhorreur s échappe de toutes les poitrines à cette évocation criminelle ; tous s’écartent du maudit, échappé du royaume de Vénus, et qui ose les souiller de sa présence !

Seule Elisabeth, dontle visage a revêtu une expression de douleur effrayante, demeure à sa place, en s’appuyant d’un geste égaré à son siège.

Le Landgrave et les chevaliers se réunissent pour punir le réprouvé, qui est resté immobile, extasié. Ils se précipitent sur lui l’épée en main, mais Elisabeth se jette devant eux, faisant au coupable un rempart de son corps : — Que vont-ils faire, quel mal leur a-t-il causé ? Vont-ils, en plongeant le pécheur dans l’abîme de la mort, au moment où son âme est sous l’influence d’un charme maudit, le condamner sans rémission à la pénitence éternelle ? Ont-ils le droit d’être ses juges ? — Elle, la pure et triste fiancée, si cruellement désabusée, s’offre à Dieu comme victime d’expiation ; c’est elle qui, souffrant pour le criminel, implorera le Ciel afin qu’il envoie au pécheur le repentir et la foi nécessaires à sa rédemption.

Tannhauser, qui peu à peu est revenu de son égarement et a entendu la prière d’Élisabeth, tombe à terre,