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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE


Mais ce n’est pas de moi qu’il s’agit ici ; c’est de vous, et de la lacune que je veux combler dans notre bibliothèque, pourtant si riche, en écrivant pour votre usage spécial un petit livre qui puisse vous distraire pendant les longues heures d’attente ou celles de lassitude succédant au travail acharné exigé par l’un ou l’autre de mes méchants collègues, qui sont tous plus ou moins, mais surtout les meilleurs, des espèces de capitaines Marche-ou-Crève.


C’est donc, je le répète, pour essayer de vous amuser, et uniquement pour cela, que je vais écrire ce volume, dans lequel il n’y aura rien que de vrai, sauf quelques noms que je me réserve de défigurer quand je croirai qu’il y a lieu de le faire ; vous y reconnaîtrez des types de camarades qui vous feront l’effet d’être de vos contemporains, bien qu’ils aient été des miens, car l’esprit de notre école n’a pas plus changé depuis ce temps que les murs de la cour ou les tables sur lesquelles vous avez tant de peine aujourd’hui à trouver un pauvre petit coin vacant pour y graver votre nom.


Dans le public, on se fait cette idée fausse que le Conservatoire est mal composé ! C’est une grosse erreur, comme c’en serait une aussi de prétendre le contraire. La vérité, c’est que la société y est fort mélangée, comme cela est inévitable dans une école absolument gratuite, où l’on entre par voie d’examen, et qu’il y faut savoir, parmi ses camarades, choisir ses amis, sous peine de se voir, dans l’avenir, fort embarrassé de relations créées à la légère. Il en est de même, dira-t-on, dans beaucoup d’autres écoles ; c’est vrai, mais à un degré moindre. Tous les milieux sociaux sont représentés au Conservatoire ; il n’est pas rare d’y voir se coudoyer, dans une même classe, un jeune homme ayant fait des études sérieuses, déjà bachelier, docteur en droit, avec le plus ignare des illettrés ; le fils du millionnaire avec celui du petit commerçant, du prolétaire ; des filles de savants, de pasteurs, d’artistes éminents, d’hommes de lettres, avec celles dont les parents exercent les professions les plus modestes. Cela provient de ce que l’enseignement spécial artistique y étant plus élevé et plus complet que partout ailleurs, les plus fortunés eux-mêmes, ceux qui pourraient sans difficulté dépenser de l’argent