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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

le père du futur auteur du Chalet était lui-même un artiste très connu, le professeur de piano à la mode sous le premier Empire, qu’on peut même considérer comme le fondateur de l’école du piano en France. Ami et protégé de Gluck, il fréquentait et recevait tous les grands artistes de l’époque, et dans ce milieu où l’on traitait Cherubini de colosse musical, comme aussi par l’audition de quelques-uns de ses chefs-d’œuvre aux exercices du Conservatoire, le jeune Adam s’était fait de l’homme, de sa figure et de sa prestance, l’idée de quelque chose d’extraordinaire, de beau, de grandiose en soi-même. C’est un sentiment tout naturel ; il faut un effort pour se figurer un Napoléon Ier, un Wagner ou un Berlioz avec la taille qui était la leur, au-dessous de la moyenne. Ce fut donc une première désillusion de se trouver en face d’un homme chétif et rabougri, à l’air dédaigneux et renfrogné ; mais ce fut bien autre chose quand il ouvrit la bouche.

— « Cher maître », lui disait l’introducteur, « je me fais un plaisir de vous présenter un jeune garçon qui se destine à la musique, et qui a de qui tenir, car c’est le fils de notre ami Adam ; tout jeune qu’il soit, c’est déjà un de vos admirateurs passionnés. »

— « Ah ! ah ! ah ! ah ! que zé lé trouve bien lé ! »

Il ne lui dit rien autre chose ce jour-là.

Cette anecdote, rapprochée d’une autre que Berlioz a consignée au chapitre IX de ses Mémoires, où il raconte « sa première entrevue avec Cherubini », semble démontrer que réellement le vénérable prédécesseur d’Auber avait l’accueil sévère pour les jeunes gens.

A défaut d’aménité, cet homme de génie, beaucoup trop oublié aujourd’hui, possédait une ponctualité et une exactitude à toute épreuve.

Il arrivait à son bureau tous les matins à neuf heures