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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

sept heures et demie, nous donnant pour des employés de commerce, passionnés pour la musique, fréquentant tous les Cafés-Concerts, et ne pouvant disposer en conséquence, pour de fortes études, que d’une heure par jour, le soir de sept heures et demie à huit heures et demie ; n’ayant d’ailleurs pas de piano chez nous, ni le moyen d’en louer, pas plus que d’acheter de la musique… Rien de tout cela ne le rebuta, et la première leçon commença séance tenante.

Il ouvrit d’abord son piano, du geste magistral d’un homme qui entend vous dévoiler de suite de vastes horizons, vous frapper par une révélation subite. C’était un piano d’Aucher, sur les touches blanches duquel il avait écrit grossièrement à l’encre : do, ré, mi, fa, etc… tout du long. Il n’y avait rien d’écrit sur les touches noires.

Il nous dit pompeusement :

— « Récartez t’apord ! »

Nous récartâmes — pardon, nous regardâmes ; il était Allemand, mais nous étions Français, — et quand il jugea que nous étions suffisamment ébaubis par ce spectacle extraordinaire, il entreprit ainsi notre instruction :

— « Méziers[1], il y a teux aggords : l’aggord to mi zol, et l’aggord zol zi ré.

Doude la mousique il est faite avec zes teux aggords.

On gommence tuchurs bar l’aggord to mi zol ; guand on en a azez, on basse à l’aggord zol zi ré, et on vinit tuchurs bar l’aggord to mi zol. »

(Je vous ferai grâce par la suite de la prononciation figurée.)

Puis il continua :

— « Maintenant, vous allez composer vous-mêmes une jolie valse ; pour la première fois, c’est moi qui l’écrirai, mais

  1. Cela veut dire : Messieurs.