Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/395

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ordonnance, autant de connaissance des principes de la belle architecture, qu’aucun de ses plus habiles prédécesseurs. Les portiques dont il forma l’étage du rez-de-chaussée offrent d’aussi justes proportions des rapports aussi heureux, et des détails aussi corrects que dans les meilleurs ouvrages connus. Il y employa l’ordre corinthien dans toute sa pureté, les profils sont d’une parfaite régularité.

» On voit que son intention fut de porter dans l’ensemble de sa composition la plus grande richesse. Ce fut à cet effet qu’il plaça au rez-de-chaussée l’ordre corinthien, se réservant d’enchérir sur le luxe de cet étage, selon les idées alors reçues, par l’ordre prétendu qu’on appela composite, pour l’étage principal. Effectivement, cet étage l’emporte sur l’inférieur, par le luxe de ses chambranles, comme par l’élégance des festons de sa frise. Qu’il y ait, à vrai dire, un peu trop de ressemblance ou d’égalité de style et de goût d’ornement, ainsi que de proportion, entre les deux étages ou les deux ordres, c’est bien ce qu’il faut reconnaître ; mais chacun pris en particulier n’en dénote pas moins un architecte nourri des meilleures doctrines, rempli des beautés de l’antiquité, et possédant tous les secrets de son art.

» Ce fut par suite de son système de luxe progressif du bas en haut, que Lescot prodigua dans son attique ou étage de nécessité, une telle richesse qu’on n’imagine pas qu’il soit possible d’en mettre davantage. Cependant un certain genre de convenance semble prescrire, dans la devanture d’un palais, le degré de richesse applicable à l’importance de chaque étage ; et sans doute Lescot, indépendamment de quelques autres considérations, força toute mesure dans la décoration de son attique. Ceci conduit au second point de vue.

» Il faut se rapporter au siècle de Lescot, où tous les arts se trouvaient réunis dans la pratique du dessin, par de communes études chez le même artiste. Nul doute ainsi que Lescot n’ait été grand dessinateur, et comme tel n’ait été singulièrement versé dans le genre de la décoration. À part le trop d’ornements et l’excès de détails qu’on peut reprocher au petit étage qui couronne son édifice, on est tenu de reconnaître qu’il n’y a pas un seul de ses détails d’ornement qui ne soit grandement imaginé et d’une exécution supérieure, dans sa totalité comme dans chacune de ses parties. Disons aussi qu’il eut à sa disposition le ciseau des sculpteurs les plus habiles, tant pour le grandiose et la hardiesse de l’exécution que pour la finesse, l’élégance et la pureté du goût. On croit voir qu’il voulut préparer à ces rares talents des motifs variés et de nombreuses occasions de s’exercer et de se produire sous des proportions diverses. Qui oserait aujourd’hui se plaindre d’un superflu décoratif, auquel on doit de semblables beautés ?

» Nous ne devons pas omettre ici la mention de la grande salle construite par Pierre Lescot, et qui occupe à rez-de-chaussée presque toute la longueur de la façade dont on vient de parler. Elle est aussi remarquable par sa composition que par les objets de sa décoration. L’ordre qui y règne est une sorte de dorique composé, dont les colonnes sont distribuées et groupées d’une façon assez particulière. Il faut admirer la manière noble et ingénieuse dont se trouvent terminées les deux extrémités de cette vaste salle. D’un côté, la sculpture a décoré avec une très grande magnificence la cheminée en face de la tribune située à l’autre extrémité. Je parle de cette belle tribune dont les supports sont des cariatides colossales, ouvrages de Jean Goujon, qui, associé à Lescot dans les travaux du Louvre, a donné tant de prix à son architecture, etc… »

Les bâtiments qui forment l’entrée du Musée furent achevés par Henri IV, qui eut le premier la pensée de réunir le Louvre aux Tuileries. Ce prince ajouta une salle de spectacle dans l’espace occupé aujourd’hui par le grand escalier. Il acheva également la galerie qui borde la rivière. Louis XIII termina le pavillon de l’Horloge et la façade de ce côté. Il entreprit les deux autres corps de bâtiments au nord et au levant, prolongea celui du midi ; ainsi le plan carré de la cour du Louvre, telle qu’on la voit aujourd’hui, est l’ouvrage des rois Henri IV et Louis XIII. Le cardinal Mazarin concourut aussi à l’achèvement du Louvre. Ce ministre chargea l’architecte Le Veau d’élever la façade du côté de la Seine. Il ne faut pas confondre ce bâtiment avec celui qui existe aujourd’hui. Ce dernier a été bâti beaucoup plus près de la rivière. Colbert, appelé au ministère et à l’intendance des bâtiments du roi en 1664, n’approuva point les projets de Le Veau pour l’agrandissement du Louvre. Les dessins de cet architecte offraient d’heureux détails, mais l’ensemble était mesquin et peu digne d’un monarque dont la gloire et la magnificence jetaient déjà un si vif éclat. Sans repousser toutefois le plan de cet artiste, Colbert crut devoir ouvrir un concours pour cette grande entreprise. Ce fut pour la première fois qu’on suivit en France une marche aussi solennelle, dans l’érection d’un monument aussi grandiose. Le modèle en bois de Le Veau fut exposé et condamné d’une voix unanime. Parmi les autres projets conçus par les plus habiles architectes, un dessin fut remarqué. Il ne portait pas de nom d’auteur. On sut bientôt qu’il était de Claude Perrault, médecin, qui par goût s’occupait d’architecture. Ce projet, que favorisa tout-à-coup l’opinion générale, avait aussi frappé Colbert. Les autres artistes, jaloux d’un si beau travail, firent entendre au ministre qu’un tel plan n’était qu’un charmant dessin, fait uniquement pour éblouir les yeux mais qu’au fond il était d’une exécution impossible, et ne supportait point un examen approfondi. Ces observations ébranlèrent le ministre. Pour se tirer d’embarras, Colbert résolut de prendre l’avis des