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Sous Henri III, la Bibliothèque fut envahie par les ligueurs. Dans une note que Jean Gosselin, alors gardien de la Bibliothèque, eut la précaution d’écrire sur un manuscrit ayant pour titre : Marguerite historiale, par Jean Massüe, on lit : que le président de Nully, fameux ligueur, se saisit, en 1593, de la librairie du roi, en fit rompre les murailles et la garda jusqu’à la fin de mars 1594 ; que pendant cet espace de temps, on enleva le premier cahier du manuscrit de Massüe ; que Guillaume Rose, évêque de Senlis, et Pigenat, autres furieux ligueurs, firent dans un autre temps plusieurs tentatives pour envahir la Bibliothèque Royale, et qu’ils en furent empêchés par le président Brisson, et par lui Gosselin.

Henri IV, maître de Paris, ordonna par lettres du 14 mai 1594, que la bibliothèque de Fontainebleau serait transférée dans la capitale et déposée dans les bâtiments du collége de Clermont, que les jésuites venaient de quitter. Elle acquit à cette époque de nouvelles richesses. Le maréchal Strozzi avait fait l’acquisition, du cardinal Ridolfi, neveu du pape Léon X, d’une collection de manuscrits hébreux, grecs, latins, arabes, français, italiens, au nombre de plus de 800. À la mort de Strozzi, la reine-mère s’appropria les livres du maréchal, sous le vain prétexte que ces ouvrages provenaient de la bibliothèque des Médicis. Le 4 novembre 1598, Henri IV écrivait à M. de Thou, son bibliothécaire : « Je vous ai ci-devant écrit pour retirer des mains du neveu du feu abbé de Bellebranche, la librairie de la feue reine, mère du roi, mon seigneur ; ce que je vous prie et commande encore un coup de faire, si jà ne l’avez fait, comme chose que je désire et affectionne et veux, afin que rien esgare et que vous la fassiez mettre avec la mienne. Adieu. »

Deux arrêts du parlement, le premier à la date du 25 janvier, le second au 30 avril 1599, ordonnèrent la remise de ces livres à la Bibliothèque du Roi. Les jésuites, rentrés en France, reprirent possession de leur collége, et la Bibliothèque fut transférée dans une des salles du couvent des Cordeliers. Henri IV cherchait à placer convenablement cette précieuse collection, et voulait supprimer les collèges de Tréguier et de Cambrai pour placer la Bibliothèque dans une partie de leurs bâtiments, lorsque la mort vint le frapper.

Sous le règne suivant, la Bibliothèque fut enrichie des livres de Philippe Hurault, évêque de Chartres. C’est à Louis XIII qu’on doit attribuer l’accroissement rapide de nos richesses littéraires. Ce prince rendit en 1617 une ordonnance qui porte : « Qu’à l’avenir ne sera octroyé à quelque personne que ce soit, aucun privilége pour faire imprimer ou exposer en vente aucun livre, sinon à la charge d’en mettre gratuitement deux exemplaires en la Bibliothèque du Roi. » À la fin de ce règne, la Bibliothèque se composait de 16,700 volumes.

Sous Louis XIV, la Bibliothèque fut rendue accessible au public. Depuis longtemps la maison des Cordeliers était trop petite pour contenir cette collection. Colbert la fit placer dans deux propriétés voisines de son hôtel. Ces deux maisons, situées rue Vivienne, avaient été achetées des héritiers Beautra. La translation eut lieu en 1666. La Bibliothèque occupa cet hôtel jusqu’en 1721. À cette époque, on voyait dans la rue de Richelieu un hôtel immense ; il renfermait tout l’espace compris entre cette voie publique, les rues Neuve-des-Petits-Champs, Vivienne et Colbert. C’était l’ancienne demeure du cardinal Mazarin. Plus de quatre cents statues ou bustes, chefs-d’œuvre de la Grèce et de Rome, décoraient cette habitation toute royale. On y voyait cinq cents tableaux, ouvrages de cent vingt peintres. Parmi ces tableaux on en comptait sept de Raphaël, huit du Titien, trois du Corrège et cinq de Paul Véronèse. Après la mort du cardinal-ministre, ce palais fut divisé en deux parties. La première, la plus considérable, conserva le nom de Mazarin. Le roi l’acheta en 1719 et la donna à la compagnie des Indes. En 1724, la Bourse y fut placée. La seconde partie échut par succession au marquis de Mancini, duc de Nevers, neveu du cardinal, et on la nomma hôtel de Nevers. Le roi en fit ensuite l’acquisition, y établit la Banque Royale, et en dernier lieu la Bibliothèque.

Pour rester dans les limites que nous nous sommes tracées, nous indiquerons seulement les principales acquisitions, les présents les plus considérables qui vinrent successivement grossir notre dépôt littéraire.

En 1662, le roi acheta du comte de Brienne 360 manuscrits sur l’histoire de France.

Le comte de Béthune, chevalier des ordres de sa majesté, légua en 1665 à la Bibliothèque 1,923 volumes manuscrits. Plus de onze cents renferment des lettres et pièces originales sur l’histoire de France.

Charles d’Hozier, célèbre généalogiste, vendit au roi son cabinet, qui renfermait les ouvrages les plus curieux.

À ces collections, il faut ajouter celles qui provenaient de l’abbé de Louvois, de Colbert, de Dupuy, de Baluze, de Lancelot, de l’église de Paris, de Saint-Martial de Limoges, de Fontanieu, de la Vallière, etc. Le cardinal Fleury et M. de Maurépas envoyèrent en Orient MM. Sévin et Fourmont, qui achetèrent un grand nombre de manuscrits grecs et orientaux.

En 1790, époque de la suppression des maisons religieuses, la Bibliothèque s’accrut d’un grand nombre de livres manuscrits et imprimés provenant de ces établissements.

Avant la révolution, on évaluait le nombre des livres imprimés, en excluant les pièces détachées, à deux cent mille environ. On y compte aujourd’hui plus de sept cent mille volumes imprimés, et pareil nombre de pièces fugitives. La Bibliothèque Royale s’accroît chaque année de neuf mille ouvrages français et de trois mille étrangers.

Dans cinquante ans ce magnifique bazar littéraire aura doublé ses richesses.