Page:LeMay - Les épis (poésie fugitives et petits poèmes), 1914.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
les épis


Et le monstre est muet. Et l’étrange souris
Qui fait épanouir sa figure damnée,
Répond seul aux sanglots de cette infortunée.
Il voit les flots émus soulever ses cheveux,
Ses bras se tordre en vain dans leurs efforts nerveux ;
Il voit sa main étreindre, avec douleur et force,
La branche qui frémit et dont la rude écorce
Déchire et fait saigner, à chaque instant, ses doigts.

La victime faiblit, et sa bouche est sans voix.
Ses regards effarés se couvrent de nuages ;
Son esprit voit flotter de sinistres images.
Et le monstre impassible, attend, attend toujours,
Et pouvant la sauver, la laisse sans secours.
Enfin, fixant sur elle un œil sinistre et fauve :

— Jure d’être à moi seul, dit-il, et je te sauve.

La jeune infortunée en entendant ces mots,
Par un suprême effort élève, sur les flots,
Son front pâle et glacé d’où la vague ruisselle.
On voit se ranimer une vive étincelle
Dans ce regard mourant qui semblait ne plus voir.
Elle est charmante encor malgré le désespoir
Qui contracte et flétrit sa figure étonnée :