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la débâcle

Je cherche autour de moi les êtres regrettés
Que le ciel m’a, naguère, en un moment ôtés.
Partout je n’aperçois que ruines, désastres…
La nuit est dans mon âme et mon ciel est sans astres.

« Ô rivages chéris, où sont ces toits riants
Qui naguère brillaient au milieu de vos champs
Pareils à des rubis autour d’un diadème ?
Pourquoi vois-je partout la face morne et blême
De quelques malheureux qui pleurent comme moi ?
L’aspect de l’avenir me fait trembler d’effroi.

« Roule, ô beau Saint-Laurent, roule calme et tranquille !
Viens caresser tes bords d’une lame docile.
Ta vengeance est parfaite, ô fleuve souverain !
Mais réponds à ma plainte, et redis mon chagrin.
Murmure, comme moi, dans la douleur amère,
Le nom de mon amie et le nom de ma mère !
Et quand je vais prier sur leurs humbles tombeaux,
Unis à mes accents le doux bruit de tes eaux ! »

Ainsi chantait Damas. Et sa muse plaintive,
Sa muse attendrissait les échos de la rive.
Et puis, de temps en temps, deux noms mélodieux
S’échappaient de sa lèvre et montaient vers les cieux.