Page:LeMay - Les épis (poésie fugitives et petits poèmes), 1914.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
les épis

Le Calvaire


Parmi mes souvenirs il en est un que j’aime
Par-dessus tout. Il luit comme une ardente gemme,
Dans le lointain des jours, au fond de mon cœur las.

Quand dans tous les jardins fleurissaient les lilas,
Ou quand l’été soufflait du feu, que la lumière
Faisait un nimbe d’or à la pauvre chaumière,
Que la nue au soleil empourprait un lambeau,
Le dimanche, on allait, si le soir était beau,
Par la route ou les champs tout pleins de voix joyeuses,
Se jeter à genoux sur les touffes soyeuses
Des renoncules d’or et du plantin vermeil,
Devant la grande croix où, d’un sanglant sommeil,
Le Christ dormait, tenu par quatre clous infâmes.

Et les mères alors, comme les saintes femmes,
Au pied du bois sacré se tenaient humblement ;
Et, courbé sous le poids d’un long accablement,