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épître à mon ami sulte


Pour comble de malheur, le bien que j’ai pu faire,
Un Tartufe peut-être, habile à contrefaire,
Et tirant de son sac un nouvel argument,
Viendra me le souffler au jour du jugement,
Et, si Dieu n’intervient, je perdrai la partie,
Il sera le grand prêtre, et je serai l’hostie
Pendant l’éternité… Le mal, n’en parlons pas.
Tout de même, il nous semble avoir bien des appâts.
On s’adresse au Seigneur pour qu’il nous en délivre,
Mais on craint qu’il entende. Il est si doux de suivre
Le flot qui nous balance et le sentier fleuri,
De baiser une lèvre où l’amour a souri…
Halte-là !… Mes cheveux se couronnent de givre,
Il faut être prudent.
Il faut être prudent.Ferai-je encore un livre,
Pour courtiser la gloire ou braver le mépris ?
Le livre est un parfum qui trouble les esprits.
Qu’un mot vous fasse rire, ou verser une larme,
C’est assez, le cœur bat et la raison désarme.
Mon champ ne berce plus que de maigres épis,
Et mon épaule est faible… Ou tant mieux, ou tant pis.

Le travail a chez nous de fidèles disciples,
Et l’on sait applaudir à tes œuvres multiples.