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folle

Sur les chemins poudreux, qui semblent des rubans
Perdus dans les blés mûrs. Les autres sur des bancs
Vont s’asseoir pour causer ou chanter.
Vont s’asseoir pour causer ou chanter. Or, le fleuve
Coulait tout près, immense. Une pirogue neuve
Ancrée à quelques pas, sur le flot vert mouvant,
Se berçait comme un cygne aux longs baisers du vent.
Vers le soir, aux premiers rythmes gais de la danse,
Une troupe d’enfants joyeux et sans prudence
Monta dans la pirogue. Il était un danger :
Le flot montant roulait, puis venait s’effranger
Sur le sable mobile avec un long murmure.

Je regardais le fleuve à travers la ramure.
Je vois le frêle esquif tout à coup chavirer…
Je pousse un cri, m’élance, afin de retirer
De l’humide tombeau ces pauvres petits anges.
D’autres suivent mes pas… Maintes plaintes étranges
Remplacent aussitôt les éclats du plaisir.
Ces petits imprudents, nous pouvons les saisir
Dans le flot qui les navre, et les rendre à leurs mères.

Nous revenions heureux, et les larmes amères
Se cachaient maintenant sous un calme souris.