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les épis

Pendant que sur les bords les timides échos
Disent les chants des bois et la plainte des flots,
Comme deux jeunes fleurs épanchent leurs dictames,
Henriette et Damas vont épancher leurs âmes.
Ils disent, en riant, leurs soins un peu jaloux,
Échangent de nouveau les serments les plus doux,
Et se sentent plus forts pour l’heure de l’épreuve.
Les parfums de la brise et l’aspect du grand fleuve,
La pureté des airs, les murmures, les chants,
Les rayons du soleil qui dorment sur les champs,
Les bruits qui tout à coup succèdent au silence,
Cette étrange vigueur et cette effervescence
Qui circulent partout, venant tout ranimer,
Redoublent dans leurs cœurs la puissance d’aimer.

Et la terre à leurs yeux paraît bien rétrécie.
Ils n’auront pas assez, pour s’aimer, de la vie.
Ils sentent quelque chose, au fond de tant d’amour,
Que ne peut leur donner le terrestre séjour.
Leurs regards confondus se remplissent de larmes.
Ils sont heureux pourtant. Ces émois ont des charmes.
De leurs cœurs oppressés montent de longs soupirs.
Hélas ! pourquoi faut-il qu’au milieu des plaisirs
Il se glisse souvent une pensée amère ?