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LES VENGEANCES
Drame Canadien




ACTE PREMIER.


La Vengeance Indienne.


La scène représente d’un côté, l’intérieur d’une maison, des champs ; de l’autre, le chemin public et un arbre élevé.


Scène I.


madame lozet.

Mad. LOZET, est assise à son rouet et file en chantant :

Un Canadien errant
Banni de ses foyers
Parcourait en pleurant
Des pays étrangers.

Un jour, triste et pensif,
Assis au bord des flots,
Au courant fugitif
Il adressa ces mots :

Si tu vois mon pays…

(Elle s’interrompt et cherche des yeux son petit garçon ; elle dit :) Bébé, où es-tu donc ? Viens ici, mon petit, viens. (Elle se lève et se dirige vers la porte ; au même instant entre la mère Bibaud.)


Scène II.


mme. lozet, la mère bibaud.

Mad. LOZET.

Bonjour, mère Bibaud. Vous marchez toujours comme à l’âge de quinze ans.

Mère BIBAUD, appuyée sur sa canne.

Ah ! foutre ! mes quinze ans sont loin, Lisette, et je vais clopin-clopant, maintenant… Si je n’avais pas ma canne, je ne pourrais pas monter la côte chez France. C’est-il ton petit garçon qui joue à la porte avec des petits chevaux de bois ? C’est un bel enfant…

Mad. LOZET.

Est-il à la porte ? Je me levais pour voir où il est. (Elle met la tête en dehors.) Ne t’éloigne pas, petit, à cause des méchants sauvages qui t’emporteraient.

Voix d’enfant au dehors.

Non, maman, non.

Mad. LOZET.

Venez vous asseoir, mère Bibaud, venez vous asseoir.

Mère BIBAUD.

Je ne veux pas être longtemps, car je m’en vais chez José Pieriche. Sa fille est malade.

Mad. LOZET.

Oui, j’ai su ça. Il paraît que c’est depuis que le p’tit Pierre-à-Jos l’a quittée pour aller voir la p’tite François-Louis.

Mère BIBAUD.

Oui. C’est bien mal ça de la part d’un garçon d’en faire accroire à une jeune fille et de la laisser ensuite.

Mad. LOZET.

Y a-t-il quelque chose de nouveau à l’Église ?

Mère BIBAUD.

Bigre de chien ! non, non… En effet, sais-tu que la petite Déverique est par ici ? Elle vient de la ville. Elle a bien fait parler d’elle à Québec ; ce qu’on rapporte.

Mad. LOZET.

Il se fait tant de nouvelles, mère Bibaud. Il n’y a peut-être pas un mot de vrai dans tout ce que l’on dit.

Mère BIBAUD.

Ah ! va, il n’y a pas de fumée sans feu. Elle était si fière, si orgueilleuse !… Si ce que l’on dit est