Page:LeMay - Tonkourou (nouvelle édition de Les Vengeances), 1888.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
tonkourou




Des canots de pêcheurs s’éloignent de la rive,
Et l’aviron léger plonge dans l’onde vive
Avec le bruit moelleux d’une aile dans les airs.
L’alouette redit ses chants joyeux et clairs
En mouillant son vol souple aux eaux toutes moirées.
Ce sont des rires francs, des chansons mesurées
Que répètent toujours quelques échos lointains,
Dans les brumes du soir ou le feu des matins.

L’indien Tonkourou vers sa ligne dormante
Dirige sa pirogue. Un dessein le tourmente,
Un dessein traître et vil, s’il n’est audacieux.
Et l’on entend l’accord, dans le calme des cieux,
De l’aviron qu’il plonge et du chant qu’il fredonne.
Il aperçoit Ruzard qui pêche au loin. Il donne
À son canot d’écorce une autre impulsion.

— Moi, j’ai pour ton rival de la répulsion,
Dit-il, en abordant l’autre frêle nacelle.
Ma volonté, jamais, ô Ruzard, ne chancelle ;
Je veux le perdre, et toi, tu n’y songes donc pas ?
Il faut que l’indien te mène pas à pas.