Page:LeMay - Tonkourou (nouvelle édition de Les Vengeances), 1888.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
tonkourou


On admire Ruzard ; on aime sa fierté,
Son regard où rayonne une étrange clarté.
On vante son esprit, son cœur sans petitesse.
N’a-t-il pas refusé, dans sa délicatesse,
Et la terre et l’argent que Lozet, l’autre jour,
A voulu par contrat lui donner sans retour ?



Un navire montait. Dans le rideau de branches
Lentement, lentement, glissaient ses voiles blanches.
Soudain, comme un signal de retour ou d’adieu,
Un pavillon flotta dans le mât du milieu.

Plusieurs des invités, avec le vieux sauvage,
Étaient venus s’asseoir sur le bord du rivage,
Attendant en fumant le signal du départ.
Le huron se taisait. Il ne prenait point part
Aux propos amusants que tenaient les convives.
Ses angoisses étaient à chaque instant plus vives.
Il suivait du regard le navire étranger.
Le signal le surprit ; il se mit à songer.

Vers l’église la barque approcha la batture ;
La voile s’affaissa le long de la mâture ;
La chaîne retentit dans l’écubier de fer,
L’ancre mordit le fond comme un immense ver.