Page:LeMoine - Chasse et pêche au Canada, 1887.djvu/181

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Il est vrai, j’avais peu loin à aller pour me rendre au théâtre de mes futurs exploits. Besoin n’était que de descendre la pente de la petite éminence dont le pied est baigné par les hautes eaux du fleuve et dont le sommet, coiffé d’un massif d’érables, laisse apercevoir une longue maison blanche, à toiture noire et à persiennes brunes. C’était le manoir du Seigneur McPherson, mon vieil oncle qui, depuis près d’un quart de siècle, entouré de sa famille, y coulait des jours dorés. Mes vacances de séminariste étaient déjà fort entamées, sans que j’eusse eu le temps de m’en apercevoir, tant avait d’attrait pour moi le séjour de l’île giboyeuse où mon respecté parent dispensait l’hospitalité avec le laisser-aller des honnêtes gens qui vivaient aux temps homériques. Homme spirituel autant qu’excellent tireur, aimable raconteur, il se plaisait surtout à distraire les jeunes amis que la belle saison ou les vacances amenaient sous son toit, par le récit de ses aventures de chasse ou de ses voyages sur mer, sans oublier une épisode, où il figurait, bien jeune, comme prisonnier de guerre en Espagne. Ainsi s’écoulait douce et bien remplie la vie du propriétaire de l’île enchanteresse que deux siècles auparavant M. de Montmagny s’était fait concéder de la Compagnie de la Nouvelle-France, comme lieu de chasse ; c’est là, si on en croit l’histoire, que le Nemrod français venait, chaque automne, tout en pourchassant canards et bécassines, oublier les soucis de la vie publique. Certes, il n’avait pas mauvais goût, notre ancien gouverneur.

Ô vous tous disciples du grand saint Hubert, et vous amants de la belle et grandiose nature du Canada, désirez-vous apprécier le charme de cet endroit ? veuillez donc m’accompagner dans ma course matinale.

D’abord, avant d’endosser fusil et gibecière, descendons à la salle-à-manger, nous fortifier contre les humides va-