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les hauteurs giboyeuses et bien boisées, où croissent l’érable et le pin du Canada. Si, au lieu de pouvoir tirer le gibier presque aux portes de Québec, comme cela se faisait en 1648[1], il faut pénétrer au fond des forêts lointaines, jusqu’au lac Saint-Jean, même, pour l’avoir en abondance, la faute en est à ces misérables qui prétendent le tuer en tout temps. Dès 1731, existaient d’excellentes ordonnances de chasse en la colonie, que l’on aurait dû mettre en force[2]. Écoutons la voix prophétique de Frank Forester, foudroyant ceux qui massacrent le gibier à la saison de la reproduction des espèces : au temps où il écrivait, les Clubs pour protéger ne faisait que naître. « Dans moins de dix ans, » dit-il, « si l’on ne prend des

  1. Un jeune chasseur canadien, M. Junot, nous informe que le nombre des perdrix blanches tuées l’automne de 1871, au lac Saint-Jean, a du atteindre le chiffre de 10,000. Il en a lui-même amené une charge de cheval au marché de Québec. On tire ce lagopède, avec du gros plomb, le matin, lorsqu’il sort de son trou dans la neige, où, la nuit, il a cherché abri contre le froid. Il est farouche et dur à tuer.

    Aux premiers temps de la colonie, on les tuait par centaine, à Beauport. Le Journal des Jésuites ajoute qu’« en 1648, il y eut une quantité prodigieuse de perdrix blanches : on en tua 1,200 dans un mois, à Beauport. »

  2. « Philippe de Rigaud, etc, et Michel Bégon, etc.

    « Ayant été informé que, depuis le 15e mars jusqu’au 15e juillet, il se fait une très-grande destruction de perdrix dans le temps qu’elles s’accouplent, par la facilité qu’il y a de les tuer, faisant alors connaître, par leur battement d’ailes, les endroits où elles sont, et pour empêcher la continuation de cet abus, dont s’ensuivrait infailliblement l’entière destruction de ces oiseaux dans la colonie, ce qui priverait le public d’une grande douceur pour la vie ; nous défendons à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient, de tuer des perdrix depuis le 15 mars jusqu’au 15 juillet, à peine de cinquante livres d’amende applicable au dénonciateur ; et pour ôter tout prétexte d’en tuer, nous défendons sous la même peine, à toutes sortes de personnes d’en vendre ou acheter pendant le dit temps, et d’en apporter dans les villes et autres lieux de cette colonie, et de les exposer en vente…

    Bégon. »

    « Fait à Québec, 28 janvier 1721. »