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à une hauteur de dix à douze pieds, jusqu’où l’animal peut atteindre en se dressant sur ses pieds de derrière ; il n’y a généralement qu’un côté de l’écorce endommagé, indice qui sert au chasseur à déterminer par où la bête a passé dans sa course.

À mesure que la couche de neige s’épaissit et devient plus laborieuse à fouler, l’orignal restreint le circuit de son ravage et broutera de plus près les branches et les sapinages. La femelle et ses faons font ravage à part, jusqu’à ce que les jeunes aient atteint une année en âge. Les mâles, depuis l’âge de trois à dix ans, font aussi bande à part ; les mâles très-vieux, ont des goûts prononcés pour la solitude, choisissant pour « ravage » le pic solitaire d’une montagne, ou bien pendant l’été, les bords d’un étang ou encore les rives d’un petit ruisseau ombragé ; on rencontre quelquefois, jusqu’à neuf mâles dans le même ravage. Une fois lancés par le chasseur[1] en raquette, ils partiront à la file, au trot, à la manière des Indiens ; dans la neige profonde, les derniers placeront soigneusement leurs pieds dans la trace de ceux qui précèdent, de sorte qu’à tout autre qu’à un chasseur expérimenté, la trace ne semblerait que celle d’un seul orignal. Le chef de file devient-il las par la course ? il se jettera de côté, laissera passer le troupeau pour battre le sentier et clora la marche. En ces occasions, les mâles de deux ans paraissent avoir la plus langue haleine pour courir : les vieux, sont quelque fois si féroces, qu’ils refusent de courir et attaqueront le chas-

  1. « Jeudi dernier, (16 Déc 1886) dans la nuit, M. Charles Potvin, chasseur de Charlesbourg, a été éveillé par un bruit étrange ; il s’est levé et a aperçu à sa porte trois gros Orignaux. Le nemrod, trop énervé à cette vue, ne trouvait ni arme ni poudre, mais après plusieurs tâtonnements, il a fini par tirer un coup de fusil. Les trois orignaux dans leur fuite, ont cassé un arbre à sa porte. Le chasseur suivit leurs pistes, et l’un des orignaux blessé a été trouvé mort sur le terrain de madame Drapeau dans les concessions de Beauport. (L’Électeur 17 Décembre, 1886.)