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de nos chasseurs qui le vit le premier, s’en fût jeter le cri de guerre aux oreilles de trois amis. À la pointe du jour on se mit en quête ; on trouva l’animal sur la terre de B. Simard, le nez en l’air et éventant tout venant. Une croûte durcie, polie comme un miroir, lui donne l’avantage de la course ; il part, il trotte, il court ; on le suit ; il ruse[1], il longe le bois de Cazeneuve ; il le tourne sans y entrer, de peur sans doute d’y enfoncer dans la neige, qui y est moins compacte qu’en plaine ; il vient et revient comme l’orignal du nord dans son ravage[2] ; mais ruse pour ruse, nos quatre chasseurs sont là qui le traquent, qui lui coupent le chemin : il les flaire de loin, repart au petit trot, broutant en passant la mousse découverte par la pluie, et mène, toujours au trot, nos quatre chasseurs à cinq milles du lieu de la levée. Les chasseurs ne se lassent pas ; on le suit à la piste, ou l’approche… On le tire, mais de trop loin ; l’animal reprend son train… On le tire encore, moins B. M., dont le fusil, nettoyé juste à l’heure du départ, n’était pas sec et avait une aigrette d’étoupe dans la lumière… il rate… il ramorce… et rate encore ; à chaque coup sec du chien qui frappe l’amorce, l’animal fait un bond : on l’a manqué… il se jette la tête en arrière et repart… tout court, et à trois heures et demie P. M., chasseurs et bête couraient encore, quand, enfin, derrière la Grosse Pointe, un dernier coup de fusil arrête la bête. Trois postes lui avaient brisé l’épine dorsale.

« M. Maxime Longpré, de l’Assomption, aidé de M.

  1. Ruser, en termes de chasse, se dit d’une bête qui, poursuivie, va et vient dans les mêmes voies, à dessein de se défaire des chiens.
  2. Ravage, nom donné par nos voyageurs au lieu choisi, en automne par une bande d’orignaux. Ce lieu est ordinairement un bois de sapins de pruche, ou d’épinette, dont ces animaux broutent la feuille pendant l’hiver ; leurs allées et venues autour de ce bois forment une battue durcie, dont ils ne s’éloignent point.