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perdrix nichée dans les champs, jusque dans la basse-cour pour profiter de la négligence du garçon de ferme qui aurait oublié hors de la grange quelque poule surannée, un dinde dodu, une oie vagabonde, alléchés par les tièdes rayons d’un soleil de mars ou d’avril ; ou pour égorger au rendez-vous sous le dôme des sapins quelque levraut amoureux, au moment où il compte fleurette à une hase[1] aventurière, loin de l’œil vigilant des parents : telle est la proie que convoite le nocturne rôdeur, lequel une fois repu, se dédommagera des fatigues de la course le lendemain, par un long somme, au soleil, sur la cime poudreuse d’un banc de neige.

Au cas ou perdrix, poule, dindon, oie, levraut, lui fassent défaut, chaudement vêtu de sa pelisse de pelleterie, protégé par ses mitasses fourrées, il s’établira explorateur solitaire et patient, à l’orée d’un bois ou sur un chaume, les oreilles droites, la queue horizontale et écoutera attentivement pour découvrir sous la légère couche de neige les mulots, sa nourriture ordinaire.

Comment traquera-t-il ces rongeurs sous la neige, me direz-vous ?

— Par ce merveilleux instinct départi par la nature à

    les renards ont disparu, les mulots sont devenus des fléaux. Dans ma seigneurie de l’Île aux Grues, où le dernier renard fut tué, il a près de cinquante ans, les mulots, sont devenus de vrais fléaux pour les arbres fruitiers et les jeunes érables : sur 1800 jeunes érables, plantés au manoir, il y a une dizaine d’année, deux ou trois seuls ont échappé à la dent des mulots sous la neige en hiver. Les pommiers ont tous succombé » Je n’ai pas ouï-dire que ce mode de chasser le renard en hiver soit employé dans le district de Québec ou sur la rive nord du fleuve, vers le Labrador : là, le piège et le fusil sont les engins de destruction, les trappeurs n’affectionnent pas l’usage de la strychnine : l’empoisonnement détériore la pelleterie des renards, parait-il. Les Clubs de Chasse ne sauraient trop condamner ce mode de capture.

  1. On nomme hase, en France, la femelle du lièvre et bouquine, les mâles.