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LE NOM DANS LE BRONZE

des yeux gris où se lit une assurance presque téméraire ; la bouche grande, mobile, expressive. Penchée sur la petite photographie, attentive, songeuse, elle incarne le plus joli tableau de la jeunesse surprise du grand émoi qu’apporte en elle l’amour.

Elle n’a pas sommeil, se sent exaltée, frémissante. Elle resterait des heures à rêver, repassant tous les moments vécus depuis qu’elle a rencontré Steven ; ces instants si doux, au début de leur amitié, où tous les jours, avec une émotion secrète, ils se rapprochaient un peu plus. Que de fois elle s’arrête ainsi pour parcourir dans sa mémoire les étapes de leur sentiment.

Mais elle a beau fermer les yeux et appeler à l’aide son imagination, déjà ses vingt ans constatent combien le passé, même le plus récent, nous échappe. Les paroles qui l’ont émue d’un indicible bonheur certains soirs, elle est impuissante à se les rappeler. Elle avait pourtant pensé les enchâsser pour toujours dans son souvenir, et maintenant qu’elle veut les entendre, elle s’irrite de ne plus saisir qu’un murmure confus, où seul le thème reste vaguement distinct. Elle souhaiterait dérouler ce passé comme un film, relire les paroles