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86 LA REVUE MUSICALE 182

heurte une colonne. Au bruit, les vestales accourent et se désespèrent de la flamme morte. Scène de désordre et d’épouvante dans les ténèbres qu’éclaire seulement la lueur fugitive des lanternes agitées par les vestales dans leur course. Emilia est emmenée prisonnière. Au 4ème acte, le jugement de la Vestale coupable et au 5ème son supplice étaient l’occasion de tableaux d’une grandeur tragique. Amsi finissait ce drame chorégraphique que Stendhal proclamait « aussi fort que le plus atroce de Shakespeare ».

Nous avons insisté sur la pantomime des premiers actes afin de montrer en quoi consistait l’action dans les ballets de Viganô. En somme pas de gestes conventionnels comme on les enseignait dans les écoles d’opéras, mais des gestes naturels, émouvants, expressifs sans doute un peu stylisés et se rapprochant des attitudes familières à la statuaire antique. Les acteurs de Viganô faisaient aussi grand usage de jeux de physionomie. Les descriptions contemporaines signalent à tout moment que l’héroïne « change de visage ", pâlit ou rougit ou que son regard exprime la terreur ou l’amour. Mieux que l’actuelle pantomime de l’Opéra un film dramatique « tourné » par des maîtres de l’art cinématographique peut donner une idée de ces longues actions muettes, mais on ne doit pas oublier que dans les ballets de Viganô tous les mouvements s’effectuaient sur un rythme déterminé par la musique.

Inutile d’Insister sur les autres ballets de Viganô, malgré les beautés que renfermaient des spectacles comme Psammi ou La Spada di Kenneth (1 ), mieux vaut s’arrêter sur celui qui fut de tous le plus célèbre et le plus critiqué : / Titanî.

Les Titans furent la dernière grande composition de Viganô. Il inventera encore une Jeanne d’Arc et une Didon, mais ces œuvres inégales ou incomplètes ne peuvent donner une idée juste de son génie chorégraphique. Il nous apparaît au contraire dans cette œuvre grandiose avec l’ensemble de ses qualités et de ses défauts caractéristiques, son imagination romantique, sa vision toute picturale, son entente des grandes scènes à nom-


(1) Stendhal aimait ce ballet qu’il disait être < une fête pour l'imagination >. Cf. lettre du 21 mars 1818.