Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

SOCRATE

Nulle chose, cher Phèdre. Mais toute chose, Éryximaque. Aussi bien l’amour comme la mer, et la vie elle-même, et les pensées… Ne sentez-vous pas qu’elle est l’acte pur des métamorphoses ?

PHÈDRE

Divin Socrate, tu sais quelle confiance simple et singulière j’ai placée, depuis que je t’ai connu, dans tes lumières incomparables : je ne puis t’entendre sans te croire, ni te croire sans jouir de moi-même qui te crois. Mais que la danse d’Athikté ne représente rien, et ne soit pas, sur toute chose, une image des emportements et des grâces de l’amour, je le trouve presque insupportable à ouïr…

SOCRATE

Je n’ai rien dit de si cruel encore ! — Ô mes amis, je ne fais que vous demander ce que c’est que la danse ; et l’un et l’autre paraissez respectivement le savoir ; mais le savoir tout à fait séparément ! L’un me dit qu’elle est ce qu’elle est, et qu’elle se réduit à ce que voient ici nos yeux ; et l’autre tient très ferme qu’elle représente quelque chose, et donc qu’elle n’est point entièrement en elle-même, mais principalement en nous. Quant à moi, mes amis, mon incertitude est intacte !… Mes pensées sont nombreuses, — ce qui n’est jamais un bon signe !… Nombreuses, confuses, également pressées autour de moi…

ÉRYXIMAQUE

Tu te plains d’être riche !

SOCRATE

L’opulence rend immobile. Mais mon désir est mouvement, Éryximaque… J’aurais besoin maintenant de cette puissance légère qui est le propre de l’abeille, comme elle est le souverain bien de la danseuse… Il faudrait à mon esprit cette force et ce mouvement concentré, qui suspendent l’insecte au-dessus de la multitude des fleurs ; qui le font le vibrant arbitre de la diversité de leurs corolles ; qui le présentent comme il veut, à celle-ci, à celle-là, à cette rose un peu plus écartée ; et qui lui permettent