Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/47

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et carré montre que cet art est encore dans les langes ; mais cette enfance est usée ; elle se répète sans cesse, elle radote. La splendeur de la mise en scène n’y change rien. Le ballet est si vieilli qu’il tourne en peinture : c’est un tableau vivant, que la symphonie veut embellir et qu’elle nuance.

La barre de mesure soutient toute la tradition des gestes et des pas, si niais la plupart et si ridicules. Cette barre est de fer, pour la solidité : elle a été forgée par Vulcain, en don vengeur à Terpsichore.

Le rythme passe de bien loin la mesure : il y supplée. Il est même une sorte ample et libre de rythme qui va décidément contre la mesure.

Pour suppléer au rythme simple, si usé et si lourd d’ennui, il y a l’arabesque sonore, avec sa courbe aux éléments infinis, qui est un rythme délivré.

VII

En tout art, mais en musique plus qu’en nul autre, nous allons à un discours libre de toute entrave, à une forme non serve qui ne saurait être prescrite, et qui ne puisse être imitée : celle qui convient à une œuvre, et à elle seule, parce qu’elle est le signe de l’émotion qui l’a fait naître. L’arabesque sonore enferme un poème, et ne peut servir à en circonscrire aucun autre : elle en est le rythme réel. Là, toute fraude est impossible ; toute feinte, interdite. De même que l’harmonie naturelle révèle sans masque le génie sensible du musicien, l’arabesque sonore et son rythme libre expriment son esprit.

VIII

En ce qui concerne le poème, l’allégorie est venue, de tout temps, en aide à la figuration grossière de l’anecdote. Les mimes sont des allégories, si tôt qu’ils ne sont plus des drames muets. Le squelette armé de la faulx évoque la mort. Une forte matrone, qui tient les balances, le regard dans les frises, sans voir où elle pose le pied, c’est la justice ; et l’on devine aisément qu’elle va boiter dans la coulisse ; car elle ne sortira pas de scène, sans avoir trébuché. Cette façon de penser enfantine est pourtant le grand art du ballet : l’anecdote mimée, l’histoire sans paroles n’étant vraiment que le plus humble degré du drame. Partout où l’on fait fi de la parole