Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/75

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tains plus près d’être blonds que d’être noirs, des traits assez réguliers, et, autant qu’on peut le distinguer sous le fard, le teint coloré naturellement ; elle est de taille moyenne, svelte, assez bien prise, sa maigreur n’est pas excessive pour une danseuse… »

Une année s’est à peine écoulée depuis cet éloge mesuré et plein de restrictions et nous voyons le critique créer pour ce nouveau talent une œuvre nouvelle, qui correspond à ses qualités propres comme la Sylphide avait exprimé intégralement la personnalité de Marie Taglioni. Il fallait que la fiction s’identifie complètement à l’être intime de l’actrice.

Gautier fit le programme de Giselle ; Carlotta entrait dans la gloire. Dans son feuilleton en forme de lettre à Henri Heine, auquel il était redevable de la première inspiration, Gautier parle brièvement de l’exécution de Giselle par Carlotta. Il tient cette fois surtout à la « classer ».

« La Carlotta a dansé avec une perfection, une légèreté, une hardiesse, une volupté chaste et délicate qui la mettent au premier rang entre Elssler et la Taglioni ; pour la pantomime, elle a dépassé toutes les espérances ; pas un geste de convention, pas un mouvement faux ; c’est la nature et la naïveté même… »

Quelques mois plus tard Gautier suivra Giselle à Londres pour se faire l’écho de son triomphe. Ce sont les qualités d’émotion et de pathétique, propres à Carlotta qu’il exalte à propos de La jolie fille de Gand, œuvre de Saint-Georges et Adam, cauchemar romantique frisant le macabre.

« Que Carlotta Grisi dansât parfaitement ses pas, cela n’était douteux pour personne : elle est à présent la première danseuse de l’Europe ; mais on aurait pu craindre que les scènes dramatiques et violentes du livret, conçu tout en pantomime, ne convinssent pas à sa nature simple et poétique. Elle a dépassé toutes les espérances… Sa sensibilité pénétrante, son énergie dans les scènes à situation, sa terreur si vraie et si pathétique sous la malédiction paternelle n’ont rien laissé à désirer. »

En ce qui concerne la danse, Gautier ne tarit pas : « Il est impossible de danser avec plus de perfection », telle est en termes généralisés son appréciation du « métier » de Carlotta.

Deux ans après Giselle il lui est donné encore une fois de collaborer