Page:Le Bon - Lois psychologiques de l’évolution des peuples.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’admirable régime des castes, la petite poignée d’Aryens qui envahit l’Inde, il y a trois mille ans, se fut bien vite noyée dans l’immense foule des populations noires qui l’enveloppait de toutes parts, et aucune civilisation ne fut née sur le sol de la grande péninsule. Si, de nos jours, les Anglais n’avaient pas conservé en pratique le même système, et avaient consenti à se croiser avec les indigènes, depuis longtemps le gigantesque empire de l’Inde leur aurait échappé. Un peuple peut perdre bien des choses, subir bien des catastrophes, et se relever encore. Il a tout perdu et ne se relève plus quand il a perdu son âme.

C’est au moment où les civilisations en décadence sont devenues la proie d’envahisseurs pacifiques ou guerriers, que les croisements exercent successivement le rôle destructeur, puis créateur, dont je viens de parler. Ils détruisent la civilisation ancienne puisqu’ils détruisent l’âme du peuple qui la possédait. Ils permettent la création d’une civilisation nouvelle puisque les anciens caractères psychologiques des races en présence ont disparu et que sous l’influence de conditions d’existence nouvelle, de nouveaux caractères vont pouvoir se constituer.

C’est seulement sur les races en voie de formation et dont par conséquent les caractères ancestraux ont été détruits par des hérédités contraires, que peut se manifester l’influence du dernier des facteurs mentionnés au début de ce chapitre, les milieux. Très faible sur les races anciennes, l’influence des milieux est très grande sur les races nouvelles. Les croisements, en détruisant les caractères psychologiques ancestraux, créent une sorte de table rase sur laquelle l’action des milieux, continuée pendant des siècles, arrive à édifier, puis à fixer des caractères psychologiques nouveaux. Alors, et seulement alors, une nouvelle race historique se trouve formée. Ainsi s’est constituée la nôtre.

L’influence des milieux -milieux physiques et moraux est donc très puissante ou au contraire très faible suivant les cas, et ainsi s’expliquent les opinions les plus contradictoires émises sur leur action. Nous venons de la voir très grande sur les races en voie de formation mais si nous avions considéré des races anciennes solidement fixées depuis longtemps par l’hérédité, nous aurions pu dire que l’influence des milieux est au contraire à peu près entièrement nulle.