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M. Staub. 210 environ.

M. le Président. De sorte que chacun doit revenir assez cher ?

M. Staub. En effet. Il est difficile de comprendre que les internes ne soient pas plus nombreux. C’est le plus beau lycée de France : Le lycée de Bordeaux est un beau lycée, mais il n’est pas comparable à Lakanal[1]

Eh ! oui, sans doute, c’est le plus beau lycée de France et j’imagine qu’il refuserait beaucoup d’élèves s’il était administré par un proviseur anglais avec des règlements anglais. Cependant encore faudrait-il supposer des parents assez audacieux pour y placer leurs enfants dans ces conditions de liberté relative.

Quel que soit le degré de routine et d’aveuglement atteint par la plupart des universitaires, il ne faudrait pas supposer que quelques-uns n’aient pas entrevu tout ce qu’a d’absurde le régime de surveillance tatillonne auquel sont soumis nos lycéens, mais leurs efforts pour y remédier ont toujours été rudement réprimés.

Je sais qu’un grand nombre d’administrateurs ne demanderaient pas mieux que d’entrer dans une voie plus libérale ; mais ils ne se sentent pas la liberté nécessaire.

J’ai fait, une fois, dans ma classe, la tentative que voici : j’ai dit à mes élèves : « Je vais voir si je puis avoir confiance en vous, je vais sortir pendant deux minutes ; je suis sûr que vous vous conduirez bien ».

Je fis comme j’avais dit, mais pendant ce temps, le surveillant général vint à passer, — c’était en province, — « C’est épouvantable ce que vous venez de faire là, me dit-il, songez donc, si, pendant votre absence, un enfant avait crevé l’œil de son voisin… »

Je lui répondis que, même présent, il m’était difficile, à moi comme à tout autre, d’empêcher un élève de mettre une plume dans l’œil de son camarade.

Avec cet esprit-là, on n’arrive à rien[2].

  1. Enquête, t. I, p. 585.
  2. Enquête, t. II, p. 379. Weil, professer au lycée Voltaire.