Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/112

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tion, qui rend le ministre légalement, parlementairement responsable de tout ce qui se passe dans chaque maison, a cette conséquence d’obliger le proviseur à passer le meilleur de son temps, non à diriger cette vie intérieure, mais à en rendre compte. Ce sont incessamment des rapports, des notices, des statistiques, une correspondance sans fin avec inspecteur, recteur ou ministre. Comment, dans les très grands lycées, le proviseur pourrait-il, ainsi surchargé, suivre chacun des élèves, en prendre la charge intellectuelle et morale ?

Ajoutez qu’il n’a aucun pouvoir sur les programmes ; il n’a aucun droit de modifier, d’assouplir les cadres des enseignements pour répondre aux besoins, aux vœux, de la ville, de la région. Il est enfermé dans son budget comme un simple comptable, et l’établissement de ce budget, qu’arrête seule l’autorité centrale, n’est pour lui, comme l’a fort bien dit M. Poincaré, qu’une opération administrative[1].

L’esprit bureaucratique, en France, envahit tout. La besogne matérielle, la correspondance, la tenue des registres de toute sorte, la paperasserie, tiennent de plus en plus de place dans les fonctions des chefs d’une maison[2].

Aujourd’hui tout a été concentré entre les mains de l’Administration centrale, et notre initiative personnelle n’existe pour ainsi dire plus. Même pour le renvoi d’un élève, il faut recourir à un conseil.

Un recteur ne pourrait même pas affecter un maître au grand ou au petit lycée d’une ville. Le ministre règle les moindres détails de l’administration[3].

Peu à peu on nous a retiré toutes nos prérogatives et nous sommes arrivés à être enserrés par les règlements d’une façon telle que, si nous nous laissions faire, nous n’aurions absolument qu’à suivre l’impulsion qui nous viendrait d’en haut[4].

Je crains que les proviseurs et principaux de collège n’aient pas plus d’autorité sur les professeurs que sur leurs maîtres répétiteurs. Par la fatalité même du système, qui est administratif et paperassier, on en est arrivé à les considérer comme des administrateurs et des bureaucrates, et non pas comme des

  1. Enquête, t. II, p. 686. Léon Bourgeois, ancien membre de l’Instruction publique.
  2. Enquête, t. II, p. 130. Bernès, professeur de rhétorique au lycée Lakanal.
  3. Enquête, t. I, p. 559, Dalimier, proviseur du lycée Buffon.
  4. Enquête, t. I, p. 466. Follioley, proviseur honoraire.