Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/120

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enfants ne reçoivent pas, dès le lycée, les grandes idées directrices qui devraient les dominer. Cela tient à ce que trop de professeurs n’ont pas eux-mêmes des idées très nettes à ce sujet ; ils n’ont pas reçu aussi l’enseignement pédagogique et civique qui leur dirait quel est le rôle de l’Université dans la France républicaine d’aujourd’hui[1].

M. Lavisse, à qui l’on doit en grande partie les programmes d’après lesquels se formèrent nos plus récentes générations de professeurs, ne s’est pas montré beaucoup plus tendre pour les éducateurs stylés par les méthodes qu’il a contribué mieux que personne à fortifier.

Il sait qu’il sera professeur, mais il n’a pas le temps d’y penser. Et quelques semaines après qu’il a conquis son titre d’agrégé il tombe dans un lycée. Il ne connaît ni les lois, ni les règlements auxquels il doit obéir ; il est exposé à se tromper sur ses droits, à méconnaître ses obligations, à regimber à tort. C’est le moindre des inconvénients. Il peut ne pas savoir enseigner du tout. Dans l’enseignement de l’histoire, pour ne parler que de celui que je connais le mieux, il faut savoir choisir entre les faits et les idées, éliminer ceux qui ne sont pas intelligibles, n’employer que des mots clairs ou qui puissent être clairement définis. Autrement, l’enseignement de l’histoire ne laisse dans les esprits que des notions confuses enveloppées dans un verbalisme vague. Il perd toute puissance éducative. Il faudrait que le futur professeur fût averti de ces difficultés, habitué à les vaincre[2].

Sans doute, pourraient répondre les professeurs. Mais qui aurait dû nous « avertir de ces difficultés » sinon ceux qui nous ont formés ? On commence à voir maintenant les mauvais résultats des méthodes qu’on nous a appliquées, mais est-ce bien à nous qu’il faut s’en prendre ?

Les méthodes universitaires ne font du professeur qu’un subtil rhéteur et nullement un éducateur.

  1. Enquête, t. II, p. 639. Payot, inspecteur d’AcadémIe.
  2. Enquête, t. I, p. 42. Lavisse, de l’Acadêmie française.