Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/215

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donc, si vous croyez en avoir besoin. J’en ai rencontré dans des pays où leur liberté s’étale : ils avaient tous un admirable respect de l’autorité, tous dépendaient religieusement de leurs traditions séculaires et semblaient obéir à une consigne reçue de toute éternité[1].

Sans vouloir entreprendre la tâche aussi inutile que dangereuse d’imiter l’éducation anglaise, il est facile de voir ce qu’on pourrait aisément modifier dans la discipline des lycées. La surveillance constante et harcelante exaspère l’enfant. Laissez-lui un peu de liberté jusqu’à ce qu’il ait violé les règlements. C’est alors seulement que la discipline devrait peser sur lui de tout son poids. À un certain âge on pourrait parfois le laisser sortir seul. Sachant que cette faculté lui serait retirée s’il se conduisait mal, son intérêt suffirait à lui faire comprendre qu’il y a des inconvénients à abuser de la liberté. C’est là ce que quelques professeurs, en nombre infiniment restreint d’ailleurs, commencent à comprendre.

J’ai fait quelques expériences dans le sens de la liberté et de la confiance accordée aux grands. Sans entrer dans les détails, je citerai un exemple. Quand je suis arrivé à Sainte-Barbe, on ne laissait sortir un élève seul sous aucun prétexte ; pour aller chez le dentiste, par exemple, on le faisait conduire par un garçon ; j’ai eu beaucoup de peine à obtenir qu’ils sortissent seuls ; il a fallu que je trouvasse un de mes élèves au Salon avec le garçon auquel il avait payé l’entrée, et que je pusse le dire au directeur. J’ai, depuis, obtenu de laisser quelquefois sortir les élèves seuls sur parole. Je n’ai jamais eu à le regretter[2].

La cause de ce résultat se saisit aisément. Il faudrait supposer l’élève infiniment borné pour croire qu’il abusera immédiatement d’une liberté qu’on lui retirerait au premier abus. Pour que les jeunes gens

  1. Le Temps, 30 juillet 1899.
  2. Enquête, t. II, p. 572. Lucien Lévy, directeur des études à Sainto-Barbe, examinateur d’admission à l’École Polytechnique.