Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/226

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remplace la discipline interne qu’ils n’ont pas su acquérir. Mais la discipline qui n’a pas d’autre soutien que la peur des lois n’est jamais très sûre, et une société ne reposant que sur la crainte du gendarme n’est jamais bien solide.

La puissance d’un peuple a toujours pu se mesurer assez exactement à sa richesse en hommes possédant cette discipline interne, qui permet de dominer ses réflexes et par conséquent de substituer les prévisions lointaines aux impulsions du moment. Une éducation intelligente ou les nécessités du milieu peuvent créer cette discipline. Fixée par l’hérédité, elle devient un caractère de race. C’est avec raison que les Anglais placent au premier degré des qualités de caractère, le self control, c’est-à-dire la domination de soi-même. Elle constitue un des grands éléments de leur puissance. Ce n’est pas « connais-toi, toi-même » mais « domine-toi toi-même », que le sage antique aurait dû écrire sur le fronton de sa demeure. Se connaître est bien difficile, et cela ne sert qu’à rendre infiniment modeste. Se dominer, on y arrive quelquefois, et cette qualité donne une force considérable dans la vie.

Le rôle de l’éducateur doit tendre à agir sur l’inconscient de l’enfant et non sur sa faible raison. On peut quelquefois raisonner devant lui, mais jamais avec lui. Il est donc tout à fait inutile de Iui expliquer le but de la volonté qu’on lui impose. La plus petite discipline, pourvu qu’elle soit suffisamment inflexible, est toujours supérieure au plus parfait et au plus raisonné des systèmes d’éthique, parce qu’elle finit, grâce aux répétitions d’associations, par créer des réflexes qui, s’ajoutant ou se superposant aux réflexes