Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/269

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Rien n’est plus funeste pour l’avenir d’un pays que les discours de quelques philantropes à courte vue, parlant de désarmement, de fraternité et de paix universelle. Leur humanitarisme vague finirait par saper entièrement notre patriotisme et nous laisserait désarmés devant des adversaires qui ne désarment jamais. Attendons pour écouter tous ces discoureurs que nous n’ayons plus d’ennemis.

Et nous sommes bien loin, hélas ! de n’en plus avoir. À la vérité, nous n’en avons jamais eu davantage. Il faut être singulièrement aveuglé par des chimères pour ne pas le voir.

M. Faguet a montré dans de belles pages, dont je vais reproduire quelques fragments, qu’en ne se plaçant même qu’à un point de vue strictement utilitaire, nous devons respecter profondément notre patrie et respecter profondément aussi l’armée chargée de la défendre.

La France, écrit-il, est presque universellement détestée et ces trois mobiles : la haine, la crainte et la cupidité, qui ont réuni contre la Pologne ses puissants voisins, animent parfaitement contre la France des voisins tout aussi redoutables.

La disparition de la France est en train de devenir un rêve européen. Comme la Pologne, la France a longtemps troublé l’Europe par ses incursions ; comme la Pologne, elle l’a longtemps gênée du contre-coup de ses agitations intérieures ; comme la Pologne, elle est un peuple qu’on juge trop brave et trop aventureux, bien que, sans perdre sa bravoure, elle semble avoir perdu le goût des aventures ; comme la Pologne, elle est facile à partager, ayant des voisins de tous les côtés…

Il faut donc aimer la patrie profondément ; mais comment convient-il de l’aimer ? Ne cherchons ni subterfuges ni circonlocutions, et disons nettement qu’il faut l’aimer dans son moyen de défense, c’est-à-dire dans son armée, comme tous les peuples du monde ont aimé leur pays dans la force organisée pour le défendre. Le patriotisme n’est pas le militarisme ; il va plus loin, il va, si vous voulez, plus haut, il va ailleurs ; mais c’est là qu’il va d’abord, et le militarisme est le signe et la mesure du patriotisme.