Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/320

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Or, en raison de certaines dispositions d’esprit particulières qui nous font considérer tous les peuples comme semblables à nous, l’éducation d’un peuple inférieur a toujours été synonyme d’assimilation. Éduquer une race signifie à nos yeux : modifier l’idéal social de cette race et lui proposer comme principe directeur notre propre idéal ; on lui demande donc en réalité d’abandonner ses institutions, transformer ses mœurs, modifier sa mentalité, choses impossibles.

C’est en réformant les institutions que nous prétendons agir sur les esprits ; c’est en agissant sur les esprits, par l’instruction, que nous prétendons former les caractères. Nous commençons la construction par le sommet. Nous agissons sur l’effet pour modifier la cause. Nous renversons l’ordre naturel.

Les résultats obtenus dans ces conditions ne peuvent être que négatifs. Nous allons le constater.

C’est une théorie admise par la plupart des peuples civilisés que l’éducation peut être donnée par l’instruction. Or, celle-ci s’adresse surtout à la mémoire ; elle sert à meubler l’esprit, et peut, dans une certaine mesure, contribuer à former le jugement. Mais là s’arrête son action. L’instruction ne saurait servir à l’éducation morale. La morale n’est pas une affaire de mémoire ou de raisonnement. Or, c’est l’exemple et non le livre qui peut produire la formation d’habitudes morales. Aussi, le facteur le plus important de l’éducation morale est-il le milieu.

On commet donc une faute contre la logique naturelle si l’on veut, par la seule instruction, transformer les idées et les sentiments d’un peuple. Et la