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FACTEURS LOINTAINS DES CROYANCES

« … Au moins neuf sur dix ont perdu leur temps et leur peine, plusieurs années de leur vie, et des années efficaces, importantes ou même décisives : comptez d’abord la moitié ou les deux tiers de ceux qui se présentent à l’examen, je veux dire les refusés ; ensuite, parmi les admis, gradués, brevetés et diplômés, encore la moitié ou les deux tiers, je veux dire les surmenés. On leur a demandé trop en exigeant que tel jour, sur une chaise ou devant un tableau, ils fussent, deux heures durant et pour un groupe de sciences, des répertoires vivants de toute la connaissance humaine ; en effet, ils ont été cela, ou à peu près, ce jour-là, pendant deux heures ; mais, un mois plus tard, ils ne le sont plus ; ils ne pourraient pas subir de nouveau l’examen ; leurs acquisitions, trop nombreuses et trop lourdes, glissent incessamment hors de leur esprit, et ils n’en font pas de nouvelles. Leur vigueur mentale a fléchi ; la sève féconde est tarie ; l’homme fait apparaît, et, souvent c’est l’homme fini. Celui-ci, rangé, marié, résigné à tourner en cercle et indéfiniment dans le même cercle, se cantonne dans son office restreint ; il le remplit correctement, rien au delà. Tel est le rendement moyen ; certainement la recette n’équilibre pas la dépense. En Angleterre et en Amérique, où, comme jadis avant 1789, en France, on emploie le procédé inverse, le rendement obtenu est égal ou supérieur. »


L’illustre pyschologue nous montre ensuite la différence de notre système avec celui des Anglo-Saxons. Ces derniers ne possèdent pas nos innombrables écoles spéciales ; chez eux l’enseignement n’est pas donné par le livre, mais par la chose elle-même. L’ingénieur, par exemple, se forme dans un atelier et jamais dans une école ; ce qui permet à chacun d’arriver exactement au degré que comporte son intelligence, ouvrier ou contremaître s’il ne peut aller plus loin, ingénieur si ses aptitudes l’y conduisent. C’est là un procédé au-