Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/80

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rapide à la plus épaisse barbarie. "La certitude de la paix, écrit avec raison monsieur de Vogüé, engendrerait, avant un demi-siècle, une corruption et une décadence plus destructives de l’homme que la pire des guerres."

Assurément les guerres ne sont pas sans inconvénients. Elles en présentent même de très sérieux, mais il importe d’établir, les avantages une fois mis en présence des inconvénients, de quel côté penche la balance ?

Les inconvénients des guerres sont de trois ordres : perte d’argent, perte d’hommes, affaiblissement de la race.

Les pertes d’argent n’ont qu’une importance légère. L’histoire nous le montre : toujours les peuples trop riches disparaissent devant les peuples pauvres. Appauvrir une nation n’est donc pas forcément lui nuire. Les statistitiens enseignent que l’Allemagne a dû dépenser déjà beaucoup de milliards pour garder nos provinces conquises, et que toutes les puissances de l’Europe en consacrent annuellement un grand nombre à leurs armements. Je n’y vois que d’assez faibles inconvénients. Évidemment, plusieurs nations marchent vers la faillite. Cela n’aura guère d’autre conséquence que de stimuler un peu leur énergie et les habituer aux privations. Il faut d’ailleurs considérer ces inévitables dépenses militaires comme une sorte de prime d’assurance payée par les divers pays pour éviter l’envahissement et le pillage. Voit-on en Europe un peuple, excepté ceux dont la défaite ne profiterait à personne, capable de subsister un seul jour sans armée ? Il serait immédiatement annexé à quelque puissante nation, et écrasé d’impôts infiniment plus lourds que ceux qu’exigeait son armement.

Sans doute les gouvernements et les peuples vantent très haut les bienfaits de la paix et en font le thème le plus habituel d’une foule de beaux discours, mais personne ne croit à cette paix dont tout le monde parle. Chacun sait bien en effet qu’à l’instant précis où une grande nation présenterait une infériorité, même momentanée, de sa puissance militaire, elle serait instantanément envahie et pillée par ses voisins plus forts. Nous en avons eu la preuve manifeste au lendemain de la bataille de Moukden, qui annulait pour longtemps la puissance militaire de la Russie, notre alliée. Sans perdre un instant, l’Allemagne nous chercha au Maroc les plus tatillonnes disputes dans