Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/106

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avait encore accru son envie, Radegonda se mit en devoir de le servir diligemment. D'ordinaire, douze crêpes n'étaient pas pour lui faire peur : mais, celte fois, dès la troisième, il se déclara rassasié.

~ J'ai, décidément, plus besoin de dormir que de manger, prononça-t-il.

— Oh ! bien ! si j'avais su, je n'aurais pas faittant de feu, dit sa femme.

Elle se disposait à écarter les tisons, après avoir enlevé la poêle, mais il l'arrêta.

— Laisse brûler ce qui brûle, et couchons-nous.

Il attendit qu'elle fut déshabillée et, pendant qu'elle lui tournait le dos pour monter au lit^ il jeta une nouvelle brassée de copeaux dans la flamme. Radegonda ne fut pas plus tôt allongée qu'elle s'endormit. Mais, lui^ resta les yeux ouverts, l'oreille aux aguets. Par les volets ajourés du lit-clos placé juste en face de la fenêtre, on pouvait voir le courtil et la campagne au loin, car il y avait clair de lune. La nuit était silencieuse, sans une haleine de vent, comme générale^ ment au cœur de Tété. Dix heures, onze heures sonnèrent. Rien ne venait. L'homme commençait à douter... Mais, la demie d'onze heures approchant, il entendit un léger bruit, comme de branches qui traînent et de feuilles qui frémissent ; puis, peu à peu, le bruit grandit, devint une rumeur pareille à celle des bois agités par la brise, et Thomme aperçut dis* tinctement les grandes ombres mouvantes des deux l^étres qui s'avançaient vers la maison. Us marchaient aussi près que possible l'un de l'autre, sur le même rang : on eût dit que la terre les portait ; on voyait,


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