Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/132

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Ces préparatifs terminés, tout le monde se couche.

Le feu est entretenu dans Tâtre par une énorme bûche, la bûche des défunts {kef arm Anaon),

Vers les neuf heures, neuf heures et demie, des voix lamentables s'élèvent dans la nuit. Ce sont les « chanteurs de la mort » qui se promènent par les routes et viennent, au nom des défunts, interpeller sur le seuil des maisons les vivants près de s'endormir.

Ils disent la « complainte des âmes » K

I

Mes pauvres gens, ne vous étonnez point. Si au seuil de votre porte nous survenons ; G*est Jésus qui nous a envoyés Vous réveiller, si vous êtes endormis.

laisse sur la table une assiette de crêpes pour les morts qui, cette nuil-là, ont le privilège de revenir sur la terre et de visiter leurs anciennes demeures, à condition de rentrer sous terre au premier chant du coq (A. Mauricet, Vlsle-aux* Moines y ses mœurs et ses habitants ; Bulletin de la Société polymathique du Morbihan^ 1877, p. 89).

1. Cette (( complainte des âmes » a déjà été publiée, d'abord par L. Dufîlhol, dans la Revue de Bretagne^ 1833, p. 185-188, et dans Guionvac'h (traduction, p. 205 ; — texte, p. 375), puis par H. de la Villemarqué, dans le Barzaz-Breiz, p. 505, sous le titre de a Chant des Trépassés ». La traduction que nous donnons ici, à notre tour, est absolument littérale. 11 faut avoir été réveillé en sursaut, dans le lit clos de quelque ferme isolée, par cette douloureuse complainte, pour savoir jusqu'où peut aller la mélancolie intense, la poignante et sauvage tristesse des hymnes de la mort en Basse-Bretagne.