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LXXXIV La semonee du noyé

Il y a soixante ans environ, quatorze hommes, dont mon oncle, Ewan L'OUivier, surnommé Citoyen, se noyèrent au large de Trévou-Tréguignec, un jour de coupe de goémon, en ramenant au rivage une drome qu'on n'avait pas assez solidement liée.

Leurs cadavres furent retrouvés presque en un tas et déposés dans une charrette pour être conduits au petit cimetière de Saint-Gwénolé, où ils furent tous enterrés dans une même fosse,

La femme d'EwanL'OUivier, ma tante, fut tellement frappée de ce malheur qu'elle en devint folle. Elle ne mangeait, ne buvait, ni ne dormait plus. Impossible de la retenir à la maison. A toute heure de jour et de nuit, sous la pluie et sous le soleil^ elle courait les grèves, des roches de Buguélès auxdunesde Treztêl, en criant à tous les échos :

— Ewan ! pe-lec^h out ? (Yves, oti es-tu ?) Ewan ! pe-lech ont ?

Il fallait courir après elle et lui faire violence, pour la décider à rentrer. Un matin qu'elle avait encore réussi à s'échapper, à la toute petite pointe du jour, et qu'avant même d'avoir franchi Taire elle recommençait à pousser son cri éternel : Ewan, pelée'h ont ?, elle entendit soudain la voix bien recon-