Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/181

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quelque empêchement surnaturel. Je vous ai dit qu'elle était un peu sorcière. Une autre à sa place eût été saisie de frayeur. Mais elle, qui savait les gestes qu'il faut faire et les paroles qu'il faut prononcer selon les circonstances, elle dessina une croix sur la route avec son fouet, en disant :

— Par cette croix que je trace avec mon gagne-pain, j'ordonne à la chose ou à la personne qui est ici, et que je ne vois point, de déclarer si elle y est de la part de Dieu ou de la part du diable.

Elle n'eut pas plus tôt dit, qu'une voix lui répondit du fond de la douve :

— C'est ce que je porte qui empêche votre cheval de passer.

Elle marcha bravement, son fouet au cou, vers l'endroit d'où venait la voix. Et elle vit un petit homme très vieux, 1res vieux, qui se tenait accroupi dans rherbe^ comme rompu de fatigue. Il avait l'air si las, si triste, si misérable, qu'elle en eut pitié.

— A quoi donc songez-vous, mon ancien, de rester assis là, par une nuit pareille, au risque de périr ?

— J'attends, fit-il, qu'une âme compatissante m'aide à me relever.

— Qui que vous soyez, corps ou esprit^ chrétien ou païen, il ne sera pas dit que l'assistance de Marie-Job Kerguénou vous aura manqué, murmura l'excellente femme en se penchant vers le malheureux.

Avec son secours, il parvint à se remettre sur ses jambes, mais son dos restait plié comme sous un invisible fardeau. Marie-Job lui demanda :