Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/191

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autour de la jeune fille. Elle abrita sa figure derrière son bras et tâcha de voir d’où arrivaient toutes ces pierres. Elle constata qu’elles jaillissaient de la citerne, et ne douta point que ce ne fussent celles-là mêmes qu’elle y avait lancées tout à l'heure.

Elle se garda bien d’en rien dire à ses maîtres, se bornant à leur montrer sur le sol les pierres qui avaient occasionné le dégât. Le propriétaire de Kerbérennès crut à la vengeance d’un voisin qu’il n’avait pas jugé à propos d’inviter au repas. Quant à sa femme, vous pouvez penser qu’elle était navrée de voir son mobilier si luisant criblé d’éraflures, et sa meilleure vaisselle en morceaux.

On se coucha de fort mauvaise humeur, cette nuit-là, à Kerbérennès.

La jeune servante était restée sur pied la dernière, comme c’était son devoir. Elle finissait de couvrir le feu de l’âtre avec la cendre et s’apprêtait à s’aller coucher à son tour, lorsqu’entra, le corps ployé en deux, une misérable vieille pauvresse dont les haillons dégouttaient d’eau*.

Elle grelottait si fort, la pauvre vieille, que la servante en eut grand pitié, quoique ce ne fût pas une heure à se présenter chez des chrétiens.

1. Il est souvent question en Irlande de femmes qui visitent les maisons la nuit et qui se mettent à filer ; ce sont des ban-fionn ou « femmes blanches » (D. Fitzgerald, Popular taies of Ireland, Revue celtique, t. IV, p. 181-185. Cf. Kennedy, Legendary Fictions, p. 160-161).