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Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/214

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Ma femme se précipita vers lui, l’obligea à se recoucher :

— Personne ne file. Rendors-toi.

Et moi, je criai de la table où j’avais coutume de travailler :

— Ce sont les moutons qui font ce bruit dans Tétable.

L'enfant finit par se rendormir.

Tout de même, cela ne pouvait plus durer ainsi. J’allai trouver un fils que le vieux fileur d’étoupes avait laissé, et qui était fermier dans la paroisse voisine, à Plouguiel. ^

— Çà, lui dis-je, il se passe chez nous des choses étranges. Ton père revient. Il file, file, comme de son vivant, dans son ancienne chambre. M’est avis qu’il a besoin d’une messe. Si tu n’en recommandes pas une à son intention, je le ferai moi-même.

— Il faut que je voie ça, me répondit-il.

Il m^accompagna chez nous, entendit ce que nous entendions.

C’était un honnête chrétien. Au point du jour, il se rendit au presbytère dePenvénan, et recommanda pour son père une messe de six francs. A partir de ce moment-là, nous vécûmes tranquilles*. Par exemple, il ne m’arriva plus de veiller le samedi soir plus tard que minuit.

(Gonlé par Charles Corre, dit Charlo Bipi, tailleur à Pen-vénan. — 1885.)

1. Dans les îles à l'ouest du Connemara, on dit que l’on peut entendre le mort rire et filer avec les fées ; mais après un an et un jour, les voix cessent et les morts s’en vont pour toujours (lady Wilde, Ancient legends, p. 83).