Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/339

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les domestiques et, sitôt le souper fini, congédia son monde. La bouteille d'eau de vie était dans le fond du vaisselier : il Ten tira, la mit sur la table et plaça à côté d'elle trois verres propres, ainsi que le recteur Tavait recommandé. Celui-ci fut exact. Il arriva en surplis, une étole noire au cou. Et tous deux veillèrent ensemble. Sans cesse ils tournaient les yeux vers la porte. Enfin, un peu avant minuit, ils la virent s'ouvrir^ et Marie-Jeanne parut. Elle alla droite Tarmoire,y prit la robe rouge, s'habilla, se coiffa, se pavana, bref se livra aux mêmes simagrées que les soirs précédents. Ou bien elle n'avait pas remarqué la présence du prêtre, ou bien elle n*en concevait point d'ombrage. Lui, cependant, s'était levé ; et, se plantant en face de la morte :

— Bonjour, Marie-Jeanne !

— Bonjour, monsieur le recteur. C'est donc vous ?

— Pour vous servir, Marie-Jeanne, dans la mesure de mes moyens... Comment vous trouvez-vous dans l'autre monde ?

— Mais... assez bien... monsieur le recteur, répondit-elle avec quelque hésitation.

— Vous avez néanmoins conservé du goût pour ce monde-ci, ce me semble ?... Est-ce que cela ne vous ferait pas plaisir de prendre un petit verre d'eau-de-vie avec nous ?

— Ma foi, ce n'est pas de refus.

Le recteur, aussitôt, de verser de la boisson dans les trois verres. Il en tendit un au mari, garda le second pour lui-même et avança celui qui restait jusqu'au rebord de la table.