CXIV Celle qui fut mariée au diable
Marthe Richard, de Trézény, était une assez jolie fille, fraîche et rose, comme on est à vingt ans : malheureusement elle avait une infirmité : elle était boiteuse. A cause de cela, ses deux sœurs, un peu plus âgées qu'elle, la traitaient avec mépris, l'envoyant tous les dimanches à la messe basse, alors qu'elles-mêmes faisaient les belles à la grand'messe et aux vêpres et ne rentraient, le soir, au logis qu'en la compagnie de quelque galant.
Marthe, à la fin, trouva que ce n'était pas justice et se révolta. Comme ses sœurs s'attifaient pour aller au pardon de Saint-Fiacre, en Rospez, elle s'habilla de son côté, sans faire semblant, puis courut guetter le passage de ses sœurs sur le chemin, derrière un bouquet d'ajoncs.
— Jésus-Dieu ! s'écrièrent celles-ci en la voyant surgir devant elles à Timproviste, est-ce que tu serais devenue folle, par hasard ? Que signifient cette coiffe brodée, cette croix d'or et ce châle-tapis ? Et où comptes-tu aller en cet équipage ?
— Mais, où vous allez, je pense. J'en ai assez de garder la maison pendant que vous vous pavanez aux assemblées.