Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/96

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sànt un jour sur les terres de Goatnizan, vit un lièvre de taille extraordinaire se lever devant ses pas et chercher refuge dans le colombier.

— Ma foi, se dit-il tout content, c'est comme si je Pavais dans ma gibecière.

Une chose pourtant Tétonna : son chien qui, comme lui, avait vu la bète, ne paraissait nullement désireux de se précipiter à'sa poursuite. Il dut entrer seul dans le colombier. Le lièvre était là, acculé au mur. Et Jérôme Lhostis d'épauler, puis de presser la gâchette. Poum !... La fumée s'étant dissipée, il s'avança pour mettre la main sur le gibier, sans autre crainte que celle de l'avoir massacré, pour l'avoir tiré de si près. Mais sa stupéfaction fut grande de constater que l'animal était aussi vivant que s'il n'avait pas reçu toute une charge de plomb dans le corps — même qu'il le regardait sans bouger, avec des yeux comme ceux d'un homme.

— Maladroit que je suis ! s'écria Jérôme Lhostis^ persuadé qu'il avait visé àcôté, lui qui passait, ajuste titre, pour le plus habile tireur du pays.

Et il allait épauler une seconde fois. Mais le lièvre lui dit :

— Tu as tort de te fâcher contre toi-même, car tu ne m'as pas manqué.

Jérôme ressentit une telle épouvante que son arme lui tomba des mains. L'animal reprit d'un ton triste :

— Tire cependant. Tu abrégeras d'autant mon purgatoire, et j'ai encore sept cent sept-vingt et sept coups de fusil à recevoir avant d'êlre délivré.